Déconnecté de la réalité économique, le chef de l’Etat a servi du réchauffé le 31 décembre 2016. L’avis des experts confond le Président de la République.

 

« Hier (le 31 décembre 2016, Ndlr), les chefs d’Etat africains ont tenu des discours de fin d’année et nous avons écouté celui de Paul Biya que ses ministres ont relayé. Dès qu’on enlève les événements conjoncturels d’ordre politique ou social, comme l’accident d’Eséka ou le problème anglophone, on notera que tous ces discours se ressemblent comme deux gouttes d’eau : on va améliorer la gouvernance, développer l’agriculture, diversifier l’économie, investir, etc. ». Cette remarque de Dieudonné Essomba, économiste, en dit long sur le caractère redondant des discours des chefs d’Etat africains, y compris ceux que nous sert au fil des années le Président de la République du Cameroun. Paul Biya qui s’est encore adressé à ses compatriotes ce 31 décembre 2016 s’est montré évasif dans son discours, lorsqu’il s’est agi d’évoquer les questions économiques. Il a commencé lui-même par planter le décor en avouant son échec à accélérer la croissance économique du pays en 2016. « Notre pays s’engageait résolument dans une nouvelle phase de son grand projet pour l’accélération de la croissance, la création d’emplois et des richesses. Les circonstances, au fil des mois, ont mis à rude épreuve cet élan prometteur », reconnait Paul Biya.

Sans cesse dans les projections et non dans les concrétisations, le chef de l’Etat a servi du déjà entendu et du déjà connu, sans originalité. « Malgré le poids des dépenses de sécurité, le Gouvernement n’a pas relâché ses efforts pour favoriser la croissance de notre économie. Plusieurs de nos grands projets de première génération sont pratiquement opérationnels ou sur le point d’entrer en service, tels que le port de Kribi, le barrage de Lom Pangar et les centrales de Memve’ele et de Mekin. Pour réduire la fracture énergétique et mettre fin aux délestages, d’autres grands chantiers, comme les centrales de Bini à Warak, Menchum, Song Dong et Nachtigal, vont compléter ce programme. Avec la création de la Société Nationale de Transport d’Electricité, nous entendons régler nos problèmes de transport et de gestion de l’énergie ». En attendant, les camerounais continuent de broyer du noir, comme cela a été le cas durant la période des fêtes de fin d’année.

Industrialisation

Le Président de la république évoque aussi le programme de construction ou de réhabilitation de routes en cours d’exécution à travers le pays pour ne retenir que  ce qu’il qualifie des « plus remarquables comme les autoroutes Yaoundé/Douala et Nsimalen/Yaoundé dont les travaux avancent normalement, mais aussi les entrées Est ou Ouest de Douala ainsi que le deuxième pont sur le Wouri ». La livraison de tous ces chantiers reste attendue. Du coup, dans son discours, le chef de l’Etat a passé outre, la situation concernant le lancement des projets de seconde génération dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, des routes et autoroutes ainsi que des transports, annoncées dans son discours de décembre 2014. De même que le projet de construction de la Cité des cinquantenaires de Douala qui n’a pas effleuré l’esprit de Paul Biya. Lui qui estime que « le développement de notre capacité énergétique et l’extension de notre réseau routier ont pour finalité principale la création des conditions optimales pour l’industrialisation de notre pays. Celle-ci est notre grand défi des prochaines décennies ».

Imprécis tout au long de son adresse à la nation, le chef de l’Etat a soulevé la question de l’agriculture, du développement industriel et numérique sans dire davantage sur la réalisation des projets dans ces secteurs.  « Au service de notre aspiration pour l’émergence à l’horizon 2035, nous travaillons continuellement à l’augmentation de notre production agricole, à la transformation industrielle de nos matières premières et à l’expansion de l’économie numérique. Le budget de l’Etat pour l’année 2017 est un juste reflet de cette volonté d’amplifier la dynamique autour de ces secteurs hautement stratégiques ».  

Monnaie binaire

Selon Dieudonné Essomba,  avec cette démarche portée à un niveau de rationalisation élevée, il faut créer un système productif plus adaptée à notre niveau, à savoir une partie articulée à l’économie internationale et une partie locale, peu sensible à l’extérieur. Les deux étant si bien articulées que personne ne puisse sentir que nous avons en réalité deux économies. Pour l’économiste, « C’est cela le concept de la binarisation. Une fois de plus, le Cameroun ne produit qu’au tiers de ses capacités et si un nouveau système productif était mis en place, notre Pib va immédiatement progresser pour atteindre en quelques années le triple de notre production ».

En qualifiant le discours de Paul Biya de « disque rayé sur l’agriculture, la diversification, l’investissement ou la gouvernance ». Dieudonné Essomba pense qu’il est plus qu’urgent de mettre en place « un système où nous ne sommes plus étouffés par notre mauvaise insertion et ce système est la monnaie binaire. Mettre en place la Monnaie Binaire est pour nous une exigence de survie, et nous avons l’obligation morale de le mettre en place au Cameroun à partir de 2017 à tout prix et à tous les prix ».

Achille KAMGA (Le Messager)