L’homme au nœud papillon a été inhumé samedi 9 juillet devant sa famille nucléaire, sa famille sportive, ses amis et plusieurs membres du gouvernement.

 

Les obsèques d’Antoine De Padoue Essomba Eyenga ont drainé beaucoup de monde à Yaoundé. De la mise en bière vendredi, 8 juillet 2016 à la morgue de l’hôpital général, jusqu’à son inhumation samedi 9 juillet au cimetière de Mvolyé, le membre du Comité exécutif de la Fédération camerounaise de football (Fécafot), a joué son dernier match devant sa famille, ses collègues et plusieurs membres du gouvernement. Essomba Eyenga avait rendu l’âme le 12 juin 2016,  des suites de maladies. Quelques jours après le décès de David Mayebi, son compagnon de lutte à la  (Fécafoot). L’homme qui affectionnait les nœuds papillons a été enterré à deux semaines de la célébration de son 71ème anniversaire. Antoine De Padoue laisse une tache indélébile aussi bien dans le domaine des finances que dans le mouvement sportif national et international. 

La dernière partie d’Essomba Eyenga a commencé à la morgue de l’hôpital général. Dans la salle des actes, il était difficile de trouver une place assise. Face au cercueil maron, pas moins de 15 membres du gouvernement. Une présence qui a suffi pour témoigner de l’immensité de celui qu’on appelait affectueusement « Okil ».  La désolation sur les visages était le seul point en  commun entre les convives venus des quatre coins du pays.  Rien que l’évocation du nom d’Antoine De Padoue était suffisant pour arracher quelques larmes à plus d’uns. À l’extérieur de la salle, impossible de se frayer du chemin. Les joueurs de Tonnerre de Yaoundé, un club de football que le défunt a dirigé pendant plusieurs années ont formé une haie d’honneur pour leur « papa ». De même que des joueuses de Tkc handball. La haie d’honneur accompagnera la dépouille du défunt jusqu’à son domicile au quartier Omnisports pour sa dernière veillée.

Amputée de son leader

Constance Géraldine Essomba Eyenga, la veuve et les sept filles du patriarche Mvog-Tsoung Mballa ont paru les plus affectées par la disparition de leur bien aimé. Sandrine, la petite dernière n’a pu contenir ses larmes mais, Régina Leila et Marie-Créscense ses cadettes ont su trouver les mots justes pour la calmer.  «  Il n’y a pas de mots qui existent sur cette terre pour exprimer l’immense peine qui nous traversent en ce moment. Avec lui, nous avons découvert l’amour. Nous avons traversé les vicissitudes de la vie, et on s’en est toujours sorti.  Il est unique sur cette terre. Je lui dis merci pour tout. Qu’il aille et repose en paix », a confié Constance, son épouse durant 15 ans.  Ameline Tatiana, l’ainée garde de son papa, un homme admirable : «  Il  était un homme extraordinaire et rien ne pourra le remplacer. Sans jamais calculer ni mettre un prix, il nous a tout donné et tout appris de la vie. Nous avons grandi dans un monde sans laideur grâce à lui », s’est rappelée Ameline.

 Pour Marcus Bihina, l’un des cadets d’Essomba Eyenga, la grande famille est amputée de son leader.  «  Essomba Eyenga était le début de toute chose dans la famille. Il a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Nous n’avons pas habité ensemble ces derniers mais, nous avons toujours été très proches. Il m’a accompagné depuis mes études secondaires à l’issue desquelles j’ai accédé très jeune à la vie active. J’ai travaillé pendant 39 ans comme cadre de banque grâce à lui. Je lui en suis très reconnaissant pour cela », s’est souvenu Marcus. Reconnu par tous comme homme au caractère bien trempé loin de la maison, il devenait un doux comme un agneau lorsqu’il  se retrouvait auprès des siens.

« Je n’oublierai jamais ses anniversaires célébrés en compagnie de la famille tout le 26 juillet de l’an. Sa compagnie était très paisible. Il était très content de nous voir autour de lui. Il était une grande gueule sur le plan sportif sans doute par passion mais, je peux vous confirmer que mon frère était un agneau de retour à la maison », a conclu le frère cadet d’Okil. Sur le plan spirituel, Essomba Eyanga avait une étroite relation avec l’église. Dans la bible, Antoine De Padoue est un saint caractérisé par son sens de la parole. Mgr Jean Claude Ekobena retient de lui un grand prédicateur et un homme véridique. Comme Job dans la bible, Essomba Eyenga est resté pieux et n’a pas failli à sa mission malgré les tentations du monde.

Même sentiment de gratitude dans famille sportive. Essomba Eyenga était celui-là qui ne mâchait pas ses mots. En homme de conviction, il est resté ferme et droit dans la vision qu’il avait du football. «  C’est une grande figure du football que nous pleurons aujourd’hui. Antoine De Padoue a su allier tradition et modernité. Il s’en va au moment où plusieurs de ses projets sont en gestation à la fédération. Un artiste a quitté la scène. Un baobab est tombé. Une bibliothèque a brulé. Nous allons tout faire pour perpétuer l’œuvre de ce combattant au franc parlé », a énuméré Alioum Aladji, le premier vice-président de la Fécafoot.

Caristan Isseri à Maben

 

 Fiscaliste et passionné de sport

Parcours.  L’inspecteur principal des impôts hors échelle a aussi été un as des finances avant de retourner au football, son premier amour.

C’est dans le domaine de la fiscalité qu’Antoine De Padoue Essomba Eyenga dit « Okil » s’est fait une réputation au Cameroun. Après une longue carrière dans le domaine des finances, Essomba Eyenga est devenu un inspecteur principal d’impôts hors échelle, avant de prendre une retraite méritée un 26 juillet 2000, le jour de ses 55 ans.  L’aventure commence en 1975. A juste 25 ans, il sort major de sa promotion à l’école nationale d’administration et de magistrature (Enam), dans la filière régies financières. La même année, le fiscaliste fait son entrée à la fonction publique. Il est affecté au ministère des Finances à la direction des impôts en qualité d’inspecteur. Antoine De Padoue sera inspecteur vérificateur des entreprises en 1980, avant d’être nommé inspecteur provincial des impôts du Centre et Sud.

En 1988, il revient au ministère des Finances, comme directeur de la solde avant de retourner à l’Enam en tant que directeur général adjoint entre 1991 et 1998. Une fonction qu’il jumèlera avec celle d’enseignant de droit fiscal, fiscalité des entreprises et des personnes physiques. Son départ à la retraite n’effritera son amour pour la fiscalité. S’ouvrira alors une autre carrière au sein des organisations internationales. En 2001, il intègre le cercle fermé de l’Ordre national des conseils fiscaux du Cameroun (Onfc). Ce second pan de la vie qui le conduira tour à tour en France, au Canada, en Allemagne et aux Etats-Unis. Il deviendra commissaire du gouvernement auprès de la Socar ensuite administrateur de ladite institution. Selon plusieurs de ses amis, sa nomination comme ministre n’aurait surpris personne tellement Essomba Eyenga a valablement servi son pays.

Modeste Mopa Fotoing, le directeur général des impôts s’est souvenu d’un homme pluridimensionnel. Alors qu’il faisait ses classes au sein de l’administration, il s’attelait  à la formation des étudiants devenus  pour la plus part des cadres au sein de  notre administration. « La famille Esomba Eyenga a perdu un père. Les impôts pleurent un collègue. Un conseiller fiscal et un aîné », a affirmé le Dg des impôts.

Le passionné de football

A juste 15 ans, Essomba Eyenga a tenté une carrière de footballeur. Il a fait ses débuts dans Dragon de Yaoundé, un club de première division.  Cantonné sur le banc de touche,  le remplaçant de luxe décidera de poursuivre son aventure avec le football, mais hors de l’aire de jeu. Après plusieurs années d’observation, la consécration arrive en 1964. Son oncle, le défunt Martin Omgba Zing est le président  du Tkc. Il fait d’Essomba Eyenga son adjoint. Okil va entamer une riche carrière de dirigeant de football. Il  arrivera à la tête du Tkc en 1997 et permettra au club de se muer en entreprise sous le nom de Tonnerre Kalara club Saos (société anonyme à objet sportif).        

Réputé pour sa grande gueule, Essomba Eyenga va rejoindre la Fécafoot comme administrateur. Il deviendra le vice-président de l’instance lors de la mandature de 2009 à 2013. Roger Milla, l’ambassadeur itinérant se souvient très bien de son ami. « J’ai connu Essomba Eyenga dans Tonnerre de Yaoundé. A cet époque, il n’était pas très colérique  mais, après il est devenu quelqu’un de très pugnace. Essomba Eyenga ne mâchait pas ses mots. Comme moi, il avait la vérité dans la bouche. Une chose qui a contribué à faire du défunt, l’un des piliers de notre football. C’est une énorme perte pour nous. Dieu en a décidé ainsi. Nous ne pouvons que lui dire au revoir », a confié l’ambassadeur.

Essomba Eyenga est né le 26 juillet 1945 à Mvog-Ada. Au moment de son décès, il était membre du Comité exécutif de la Fécafoot. Très controversé au sein du mouvement sportif, Essomba Eyenga se caractérisait par ses prises de positions plus ou moins vacillantes.  Après avoir quitté la bâtisse de Tsinga. Il s’est fait remarquer par un retour aux affaires sous l’ère de Tombi A Roko l’an dernier.

C.I.M